Interview de Benoît Petit - Directeur général Inter Invest Outre-Mer pour Inter Entreprises

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Pour le président directeur général de ce spécialiste du financement des entreprises outre-mer, retrouver la stabilité est déterminant. Malgré les catastrophes climatiques et les événements de Nouvelle-Calédonie et des Antilles, Inter Invest développe des outils.

Vous dirigez Inter Invest, un investisseur auprès des entreprises implanté de longue date outre-mer. Comment vont vos activités ?

Inter Invest va bien. Inter Invest est un groupe familial indépendant qui depuis 33 ans accompagne les entreprises des outre-mer dans le développement de leurs investissements. Nous sommes implantés dans neuf territoires français d’outre-mer, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Nous finançons en moyenne 400M€ d’opérations par an et, depuis notre création, nous avons accordé 4 Md€ de financements.

Qu’est-ce qui fait votre particularité ?

Parce que nous sommes une société familiale avec un circuit court de décision, nous sommes réactifs : nous sommes en mesure de donner un accord en 48 heures. Nous avons en outre une approche du risque un peu différente de nos collègues : nous avons la capacité de financer des entrepreneurs qui se lancent. 50% des crédits que nous accordons sont en dehors de tout cadre de défiscalisation. Nous couvrons donc tout le spectre du financement de l’entreprise : la recherche de subventions, de source de financements complémentaires et le renforcement des fonds propres.

Comment intervenez-vous en fonds propres ?

Nous prenons des participations minoritaires pour aider les sociétés à se développer, toutes activités confondues. Nous avons 100 participations dans des entreprises d’outre-mer, pour des montants allant de 500 000€ à 7M€ avec une moyenne à 1M€ à 2M€.

Sur quels critères retenez-vous un dossier pour une prise de participation au capital ?

Nos critères sont : le dirigeant et son équipe, la société et son positionnement, son potentiel de croissance et son historique.

Vous vous lancez dans la gestion de patrimoine. C’est un secteur d’activité où existe déjà une forte concurrence, notamment des banques. Pourquoi ?

Les banques ne sont positionnées sur ce secteur que pour la gestion de grandes fortunes. Nous, nous nous adressons à des entrepreneurs de PME et de TPE que nous accompagnerons avec une bonne intensité.

Vous avez également lancé une activité immobilière outre-mer. Pourquoi ?

A l’origine, nous avons d’abord répondu à nos propres besoins pour nos agences. Aujourd’hui, avec notre SCPI Tertiom, nous investissons dans l’immobilier tertiaire. Nous achetons des locaux de bureaux, de commerce, ou de logistique que nous mettons à la disposition de locataires de premier rang outre-mer. Nous avons déjà levé 20M€ en métropole et nous finalisons un premier achat à La Réunion. Nous sommes aussi sur une acquisition à Saint-François en Guadeloupe et d’autres à venir sur l’arc Antilles-Guyane dans les prochaines semaines. Le ticket d’investissement se situe entre 1M€ et 20M€. Nous pouvons également racheter des locaux d’un professionnel que nous lui redonnons en location, ce qui lui permet de récupérer du cash sur la partie immobilière.

Avec les modifications intervenues dans la loi de finances pour 2024 sur les énergies renouvelables, les loueurs de voitures et les meublés de tourisme, comment votre activité a-t-elle été impactée ?

La loi s’appliquant à tout le monde, Inter Invest comme nos collègues, a été impactée avec l’arrêt du bénéfice de la défiscalisation pour trois activités.

Tout d’abord, pour l’implantation de chauffe-eau solaires, cette décision radicale est contestable. S’il y avait abus, il aurait été préférable de fixer un prix maximum pour le matériel au lieu de tout interdire alors que l’auto consommation d’eau chaude produite par des chauffe-eau solaires est quelque chose qui fonctionne très bien dans la Caraïbe baignée de soleil.

En ce qui concerne les locations de véhicules qui doivent être sous le seuil de 117g* de CO2 rejeté pour favoriser la transition énergétique, cette décision est elle aussi contestable parce que le mix énergétique des outre-mer est encore majoritairement à base d’énergies fossiles.

En ce qui concerne les meublés de tourisme, la décision est compréhensible.

La situation n’a donc pas évolué durant l’année : comme nos confrères, nous avons perdu 30% de notre activité. Nous ne retrouverons pas ce volume : c’est pour cette raison que nous avons accéléré la diversification de nos activités. Et puis, il faut garder en tête que l’échéance de la défiscalisation est 2029. Je ne pense pas qu’elle s’arrêtera d’un coup. Cependant, il faudra réfléchir à d’autres formes de financement des investissements des entreprises outre-mer.

Après les événements climatiques et sociaux qui ont impacté certains de vos marchés, comment voyez-vous demain ?

Il faut distinguer les événements. Les événements climatiques tels Chido à Mayotte, Garance à La Réunion, ou les cyclones d’une manière générale, c’est très dur pour les populations, c’est très dur pour les entreprises. Pour nos activités, l’impact est faible : tout ce que nous finançons est assuré. Tout ce qui a été détruit pour des raisons climatiques est couvert par des primes d’assurances, car c’est souvent du matériel indispensable à l’activité qui sera recommandé pour en permettre le redémarrage. La commande publique étant en outre active pour reconstruire, les événements de ce type stimulent l’investissement même si la situation est grave et qu’il peut y avoir des morts.

Maintenant, les événements du type de ceux qui se sont produits en Nouvelle-Calédonie. Nous pouvons les qualifier de guerres civiles : c’est très grave parce que les frictions entre les populations sont décuplées et cela met un coup d’arrêt à l’investissement. Et comme il n’y a pas de solution politique globale avec un contexte particulier sur les mines, cela veut dire que la Nouvelle-Calédonie ne tourne pas depuis quasiment un an ; c’est très mauvais pour tout le monde.

Quant à ceux qui se sont produits aux Antilles et singulièrement en Martinique : ce sont des grèves à répétition, des exactions, etc. Nous qui sommes là depuis 30 ans, ce sont des choses que nous connaissons, qui durent un mois, deux mois, mais qui ne sont pas aussi graves que ce que nous connaissons en Nouvelle-Calédonie.

Cela ne vous enlève pas la confiance que vous avez dans ces territoires ?

Non. Cela fait 30 ans que nous y sommes et nous savons que tout n’est pas linéaire.

Ces situations ne modifient-elles pas l’approche des outre-mer, le désintérêt pour certains secteurs d’activité, des difficultés dans le montage des dossiers…

Dans des périodes telles que celles que nous venons de vivre, avec les outre-mer qui font la une de l’actualité dans les faits divers, il est plus difficile de trouver des investisseurs métropolitains. C’est aussi notre rôle, nous professionnels, de clarifier les situations.

Les rendements sont généralement bons en outre-mer : cela amortit-il les problèmes ?

Les rendements sont effectivement bons en outre-mer car il y a une prise de risque à rémunérer.

De manière plus globale, comment appréciez-vous la situation géopolitique du moment, vous qui êtes dans des géographies très différentes ?

Nous sommes effectivement dans des géographies différentes mais qui sont toutes en zone française. Notre préoccupation est la trajectoire de la France, les choix qui sont faits et l’impact de ces choix sur le monde de l’entreprise. Nous attendons que l’Etat soit efficient et efficace et que la fiscalité sur les entreprises soit contenue. Il ne faut pas oublier que c’est l’entreprise qui crée la valeur.

Comment envisagez-vous l’année 2025 ?

Elle sera compliquée. Sur la défiscalisation, la loi n’a pas changé, il n’y aura pas de rebond. Sur le financement, les défaillances d’entreprises sont préoccupantes. Sur le capital investissement, les investisseurs pourraient avoir tendance à attendre avant d’investir s’ils ont peur : il y a un vrai sujet de confiance.

Comment la faire revenir ?

C’est un mélange de choses : libérer les entreprises de carcans administratifs, stabiliser la fiscalité, de qualité de services publics. Revenir aux fondamentaux de la prospérité.

Qu’est-ce qui fera qu’Inter Invest sera encore là dans 20 ans ?

Je crois beaucoup au capital investissement : l’investissement des entreprises par le privé est une tendance de fond. Quant à la défiscalisation pour le secteur productif, faire appel à des sociétés telles que la nôtre est efficace pour l’Etat, pour parvenir à financer les entreprises et pour contrôler l’efficacité de l’utilisation de ces fonds.

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